Fin 2022, 91 % des professionnels de l’immobilier rencontraient des difficultés de recrutement. Quelques mois plus tard, alors que le marché de la pierre est en tension, où en sont les embauches dans le secteur ? Le point avec Hugo Bolzinger, fondateur du Recruteur Immobilier.
Quelques reports d’embauches et de mobilité professionnelle
Hugo Bolzinger, fondateur du Recruteur Immobilier, l’observe auprès de ses clients qui recrutent : « Les difficultés d’embauche s’accentuent cette année. Du fait de la chute du nombre de transactions, certaines agences et entreprises s’inquiètent pour leur trésorerie et font le choix de reporter leurs recrutements. Cela est d’autant plus représenté chez les administrateurs de biens pour lesquels la transaction n’est pas le principal métier. En revanche, pour les agences immobilières dont la transaction reste l’activité principale, celles-ci n’ont d’autres choix que de continuer à recruter afin de maintenir autant que possible leur chiffre d’affaires et ne pas se laisser dépasser par la concurrence ».
À ces quelques reports d’embauches, s’ajoutent aussi des reports de mobilité professionnelle. Alors que la dynamique du secteur de la pierre change, le paysage de ses professionnels évolue aussi, précise Hugo Bolzinger. « Certains – souvent arrivés récemment dans la profession – décident de quitter le secteur face aux difficultés, quand d’autres reportent purement et simplement la reconversion qu’ils avaient envisagée. La conjoncture du recrutement s’annonce de ce fait plus difficile pour les agences ou réseaux qui ont l’habitude de recruter principalement des profils en reconversion et il faudra redoubler d’effort pour les accompagner. Pour celles et ceux qui ont la meilleure capacité à former et animer, ils ont toutes leur chance de se démarquer car force est de constater que les pratiques du métier changent au fil de l’évolution du marché et les cartes devraient à terme se redistribuer. Les profils ayant déjà de l’expérience se montrent moins opportunistes et leurs attentes plus fortes lorsqu’il s’agit de changer d’agence. Dans l’immédiat et en attendant des jours meilleurs, ils ont plutôt tendance à privilégier la sécurité et restent pour la plupart dans la même entreprise. Ce phénomène reste un point positif pour les gérants ou managers qui ne veulent pas perdre de bons éléments en ces temps plus complexes ».
La baisse du marché opère ainsi une sélection naturelle sur le nombre de professionnels en poste dans l’immobilier. Les plus persévérants font preuve de patience, se remettent en question, redoublent d’efforts et restent là où ils sont. Les autres quittent le marché de l’immobilier ou envisagent de le faire dans les prochains mois en fonction de la conjoncture.
Pour les recruteurs, cela signifie que la stratégie de recrutement doit être retravaillée et plus approfondie.
« Plus que jamais, le recrutement s’apparente à de la séduction »
« Aujourd’hui, je dirais que le recrutement dans l’immobilier s’apparente plus à une forme de séduction » poursuit Hugo Bolzinger. « Les candidats ont besoin d’être à la fois séduits et en quelque sorte rassurés quant à la capacité de leur employeur de tenir dans cette conjoncture spéciale. Ils se montrent en effet très sensibles à la réputation et à la notoriété de l’agence ou de l’entreprise, à ses pratiques commerciales, son degré de professionnalisme, sa communication, ses avis clients et à l’expérience collaborateur, car le turn over élevé reste un mauvais signal pour les futurs candidats ». Très clairement, les discours ne suffisent plus à convaincre. « Les candidats sont particulièrement attentifs aux preuves concrètes, c’est-à-dire aux résultats, aux témoignages ou aux éléments qui s’observent directement sur le terrain. De fait, les dirigeants doivent faire preuve d’un professionnalisme réel et visible, s’assurer de la satisfaction des collaborateurs et prendre connaissance de leurs attentes, s’ils souhaitent attirer et fidéliser les meilleurs talents à terme et dans la durée ».
Et pour cause, la rencontre entre ces deux parties prenantes n’est pas évidente. « D’un côté, les employeurs sont toujours frileux à l’idée de rémunérer toujours plus les candidats pour les convaincre de venir, en raison du coût que cela représente. À l’inverse, les candidats souhaitent privilégier encore plus de stabilité, de meilleures conditions financières et un minimum de sécurité, et ils n’intègrent pas toujours à juste titre leurs attentes salariales à la conjoncture réelle et à la trésorerie des agences. Finalement et pour l’ironie du sort, le choc semble aussi frontal entre employeurs et candidats expérimentés qu’entre vendeurs et acheteurs ».
Quelques recommandations
Les recommandations de Hugo Bolzinger ? « Du côté des recruteurs, je les encourage à se montrer fédérateurs, plus proches de leurs collaborateurs, à les rassembler constamment autour d’un esprit positif et engagé. Après tout l’immobilier est un éternel cycle auquel il faut s’adapter. Beaucoup de négociateurs expriment le besoin d’être reboostés, de regagner en confiance et ils sont volontaires pour expérimenter et apprendre de nouvelles pratiques correspondant à ce nouveau marché. Les employeurs doivent aussi se montrer ouverts à la discussion lorsqu’ils rencontrent des profils intéressants et mettre à l’honneur leur professionnalisme pour séduire les meilleurs ».
Du côté des candidats, ceux-ci doivent aussi tenir compte de la réalité du marché dans leurs prétentions. C’est à eux également de s’investir pour obtenir des résultats, cela étant le principe même d’une fonction commerciale. « In fine, il y a des choses positives à retenir de la période actuelle. D’une part, les propriétaires vendeurs ont plus que jamais besoin des services des professionnels compétents pour les aider à trouver un acquéreur solvable. D’autre part, les professionnels les plus persévérants qui auront su s’adapter et faire preuve de patience auront tout à gagner à la sortie de ce cycle : des affaires plus nombreuses avec nettement moins de concurrence ainsi qu’une confiance renforcée auprès de leurs collaborateurs et clients ! »
Source: article pour le Journal de l’agence, rédigé par Alix Fieux.